La première bataille vient de s’achever, mais le combat vient
seulement de commencer. Ce n’est pas une guerre entre VLC et Apple, mais
entre la GPL, les licences libres et les “stores” dans leur ensemble.
Rappel des faits
Ce dont tout le monde parle en ce moment, c’est de la suppression du
logiciel VLC de l’AppStore d’Apple. VLC est un logiciel sous licence
GPL, licence qui stipule entre autre que l’utilisateur du logiciel est
libre de le redistribuer (troisième liberté), et dont l’article 10
mentionne l’interdiction d’ajouter des restrictions: “You may not impose
any further restrictions on the exercise of the rights granted or
affirmed under this License.”
La société Applidium a créé un port de VLC pour iOS (iPad, iPhone et
iPod Touch), qu’elle a diffusé sur l’AppStore. Problème : les conditions
d’utilisation de l’AppStore ne sont pas compatibles avec la GPL. En
effet, un DRM est ajouté dans le binaire que télécharge l’utilisateur,
qui a pour but de l’empêcher d’installer le logiciel sur plus de cinq
appareils. C’est donc une violation de la licence GPL.
Un des développeurs principaux de VLC, le français Rémi
Denis-Courmont, a demandé à Apple de retirer le logiciel de
l’AppStore, celui-ci ne respectant pas la licence de son travail. Apple
s’exécute début janvier et retire VLC de l’AppStore. S’en suit un débat
trollesque passionné.
Le débat
Les accusations fusent de toute part, et les fanboys Apple font preuve,
une nouvelle fois, de beaucoup de mauvaise foi.
Ce qui semble indiscutable, c’est le fait que l’AppStore n’est pas
compatible avec la GPL. Les partisans de la GPL le clament depuis
longtemps, Apple vient de le leur confirmer. Les fanboys Apple, devant
ce fait, déçus de ne pas pouvoir utiliser VLC sur leur bel iPad, tentent
la meilleure défense possible : l’attaque.
Plutôt que de tenter de défendre l’indéfendable (n’est pas Vergès qui
veut), les fanboys s’en prennent au reste du monde, c’est à dire aux
libristes qui font appliquer la licence à la lettre, et aux autres
stores, celui de Nokia en particulier, histoire de diluer les attaques
que subis leur pomme favorite.
La GPL est-elle en cause ?
Notre ami Geo_ affirmait il y a quelques jours “la GPL est là pour
protéger les intérêts des développeurs originaux, pas ceux des
utilisateurs.” Je ne suis pas d’accord avec cela. Un développeur, c’est
avant tout un utilisateur, qui sait qu’un jour quelqu’un d’autre pourra
faire un fork du logiciel, dont il ne sera alors plus développeur mais
simple utilisateur. À ce moment là il sera bien content d’avoir choisi
une licence qui lui accorde toujours les quatre libertés de la GPL.
C’est exactement ce qu’il se passe dans l’exemple actuel.
Les développeurs d’applications qui se croient plus libristes que les
autres en diffusant leur code source sous licence BSD se trompent
lourdement. Permettre à quelqu’un de faire du logiciel privateur à
partir des sources libres que le développeur initial a produites c’est stupide.
Dans les commentaires d’un article sur igeneration, un commentaire nous dit :
Bravo le mec. Quel couillon. Il ne se rend pas compte qu’il ridiculise
et dessert les défenseurs du libre en les faisant passer pour des
guignols prêts à tout pour faire parler de leur idéologie. Sacrée coup
de pub, bravo, et merci ! Le libre vient de faire quelques pas en
arrière. Les “fanboys Apple” auront raison de dire qu’Apple a agi de
la meilleure manière qu’il soit, Applidium perd un peu la face
malheureusement, et l’employé de Nokia passe pour un employé de Nokia.
Ahah, il a tout gagné. Quel gâchis…
Ainsi donc, un développeur qui demande à faire appliquer la licence du
logiciel qu’il a codé, c’est un couillon. Par contre, un développeur qui
s’attaquerait à un “pirate” qui distribue illégalement un logiciel
payant, ce serait une victime, pas un couillon, c’est bien ça ?
L’auteur du commentaire, s’il n’est pas content, n’a qu’à coder depuis
le début un lecteur équivalent à VLC, qu’il diffusera sous une licence
compatible avec l’AppStore sans avoir à demander l’avis d’un autre développeur.
Faut-il supprimer les autres logiciels sous GPL de l’AppStore ?
Il y a d’autres logiciels sous GPL sur l’AppStore, par exemple
Wordpress. Faut-il les supprimer ? Selon moi, oui. Je m’explique : on ne
peut pas diffuser un logiciel sous GPL sur l’AppStore, donc soit on
change la licence, soit on retire le logiciel.
Si le développeur qui diffuse le logiciel possède la totalité de la
propriété intellectuelle sur l’oeuvre, il lui suffit de remplacer la
licence GPL par une licence compatible avec l’AppStore, et de continuer
à diffuser les sources sous GPL à côté. Si un autre développeur possède
une partie du code, et qu’il souhaite que la GPL soit appliquée, il fait
la même demande que pour VLC.
On retrouve le vieux débat : un contributeur à un projet libre doit-il
conserver sa paternité sur le code qu’il a produit, ou bien doit-il en
faire don au projet ? C’est important dans l’exemple actuel.
Qu’en est-il des autres stores ?
La mauvaise foi de certains (un de mes amis lillois se reconnaitra) les
pousse, plutôt que de défendre Apple, à attaquer les alternatives qui
n’ont rien demandé à personne. L’argument est le suivant : on ne peut
pas non plus distribuer de logiciels sous GPL sur l’OVI store de Nokia.
Faut-il comprendre qu’en conséquence, il ne faut pas critiquer les ToS
d’Apple ? C’est habituel avec les fanboys Apple.
Malgré tout, la question est intéressante, car ce qui s’applique à
l’AppStore doit aussi s’appliquer à l’OVI Store. Pour le Market Place
d’Android, il semblerait qu’il n’y ait pas d’incompatibilité, donc la
question ne se pose pas. Pour l’OVI Store, même problème, même solution
que pour l’AppStore, et il doit en être de même pour tous les autres,
Blackberry, Amazon, Samsung, etc.
Ma conclusion
Ma conclusion, personnelle, orientée, est que si on n’a pas tous les
droits sur un logiciel, on respecte la licence. Si on a toute la
paternité, soit on fait du libre, soit on n’en fait pas. On n’en fait
pas à moitié, en diffusant un logiciel sous GPL sur une plateforme qui
nous empêche de respecter la licence. La GPL est tout autant un texte
légal qu’une façon de penser, il est important de respecter ses deux facettes.
EDIT: Cet article traduit sur le Framablog rejoint totalement mon
point de vue, et est tout aussi, si ce n’est plus, pertinent que mon billet.