Je viens de lire un billet d’Aliocha qui m’a un peu énervé. Non pas que je souhaite à tout prix m’opposer à elle, mais là elle s’exprime à nouveau sur un sujet qui me semble important et qu’elle traite avec trop de légèreté.
Elle parle d’anonymat et confond, comme beaucoup de monde, le droit à l’anonymat sur internet et le fait d’étaler sa vie privée au grand public. Ensuite, elle fait un lien entre ce droit à l’anonymat et le fait d’exister dans une base de donnée de la FNAC disant qu’elle aime lire des polars, alors que c’est un sujet à nouveau différent des deux premiers…
Droit à l’anonymat
Ce sujet m’interpelle car il fait débat à l’heure actuelle, et il y a des velléités de légiférer à ce sujet.
Pour moi, le droit à l’anonymat n’est pas réellement un droit. Il est un peu comme le droit d’être anonyme dans la rue. vous marchez dans une rue, personne ne connait votre identité, et il n’existe pas de trace réelle de votre passage, mais en cas de problème on peut toujours retrouver une caméra de surveillance qui vous a surpris, ou des témoins qui peuvent vous identifier. Sur l’Internet, c’est pareil : vous êtes anonyme mais en cas de problème la justice peut avoir accès aux logs de connexion du site sur lequel vous avez répandu vos insultes ou diffamations. L’anonymat existe donc, mais est relatif.
Il n’est à mon sens pas nécessaire de changer le statut quo actuel en matière d’anonymat. Officialiser l’existence de l’anonymat, et créer un droit à l’anonymat en séparant personne physique et avatar virtuel ? Quel en est l’intérêt ? Si c’est pour autoriser les gens à faire tout et n’importe quoi du moment qu’ils n’affichent pas leur vraie identité, je ne vois pas en quoi c’est un progrès. Le « droit à l’oubli », sur lequel je reviendrai un peu plus loin, ne justifie pas une telle mesure.
L’excès opposé, c’est à dire l’interdiction de l’anonymat, que j’ai déjà vu proposé plusieurs fois en ce qui concerne les sites « importants », ou sites de journaux « professionnels », me semble encore plus dangereux et digne d’un régime totalitaire. Interdire l’anonymat, c’est identifier immédiatement les opposants au régime le jour où des évènements de grande ampleur ont lieu. Autorise l’anonymat dans la création de son site en ligne, c’est effectivement s’exposer à une baisse significative de la qualité des commentaires, mais c’est aux administrateurs de ces sites de décider de la « ligne éditoriale » en ce qui concerne la qualité des commentaires.
Et puis de toute façon, comment n’autoriser que les commentaires « identifiés » (notez que je ne dis pas « authentifiés », qui revient à être anonyme mais à garder le même pseudonyme à chaque visite) ? Tant qu’on n’aura pas, comme en Estonie, un système fiable, sécurisé et géré par un organisme gouvernemental pour garantir son identité numérique, l’anonymat est la règle.
Personnellement je choisis de ne pas être anonyme, parce que je sais que les rares fois où je l’ai été, il m’est arrivé de me rendre compte par la suite que j’avais un peu exagéré et avait passablement renié mes propres valeurs. J’ai choisi d’avoir un nom de domaine à mon nom, d’utiliser une adresse email ultra-personnelle (prenom@nom.origine-géographique, on peut difficilement faire moins anonyme), et quand j’utilise un pseudonyme, il est systématiquement accompagné de mon vrai nom dans mon profil. Je ne vois pas ce que l’anonymat m’apporterait, donc je ne l’utilise pas, mais je pense que chacun doit être libre de choisir.
Droit à la vie privée
Le problème de l’étalage de la vie privée des gens sur l’Internet est totalement différent de celui de l’anonymat. Pourtant on associe systématiquement les deux, comme s’ils étaient liés. Ici on parle de rendre publique la vie privée, soit la sienne par manque de précaution, soit celle des autres, pour la même raison avec en plus un manque de délicatesse.
Balancer sa propre vie privée sur l’Internet, sur son blog, sur Flickr ou Picasa, sur Facebook ou tout autre réseau social, ce n’est pas le problème de l’État ou du gouvernement. C’est un problème d’éducation, pour savoir ce qui peut être rendu public ou, au contraire, doit être gardé privé. Balancer celle des autres, par contre, est plus gênant et il existe des lois interdisant ce genre de pratiques. Théoriquement on ne peut pas rendre publiques des photos de quelqu’un d’autre sans lui demander son autorisation.
Selon moi, il n’est question que d’éducation et de choix des bons outils. Si on balance sa propre vie privée sur l’Internet public, on en assume les conséquences, même dix ou vingt ans après. Partager ses photos de famille avec l’ensemble de ses connaissances, c’est prendre le risque qu’elles soient indélicatement rendues publiques par l’un d’entre eux. Partager sa vie privée sur un réseau social c’est aussi prendre un risque car ce qui n’est pas exclusivement hébergé par soi-même est potentiellement public sans son consentement (d’autant plus quand les lois françaises ne s’appliquent pas au site en question).
Personnellement, je ne cache pas grand chose, parce que tout ce qui constitue ma vie est soit satisfaisant, donc publiable ouvertement, soit honteux, et donc il faut que je le fasse disparaitre de ma vie, au lieu de simplement le cacher. Bien évidemment, à peu près rien ne rentre dans cette deuxième catégorie (je n’ai même pas d’exemple en tête). J’exprime mes positions publiquement sur ce blog, la liste des liens que je partage est disponible publiquement, tout comme l’est celle de la musique que j’écoute. Je ne crois pas avoir grand chose de plus à rendre public. Par contre, le seul garde-fou que je souhaiterais garder, c’est de ne pas faire héberger ces informations par quelqu’un d’autre que moi-même. C’est pour cela que j’essaie de m’auto-héberger, pour contrôler exactement les informations qui sont publiques, et pour pouvoir les supprimer ou les cacher en cas de besoin (même si une fois publiée, une information est potentiellement immortelle chez Google ou consort).
Droit à l’oubli
Là, je sèche un peu. Je n’ai pas vraiment réfléchi au sujet donc je vais peut-être dire n’importe quoi (non pas que je considère le début du billet ou le reste de mon blog comme une succession de vérités absolues).
Le droit à l’oubli, si j’ai bien compris, serait le droit à être oublié, à pouvoir être embauché à 40 ans sans que son employeur trouve sur internet la liste des bêtises faites à 15 ans. Je n’ai pas vraiment d’avis sur le sujet, mais il me semble moins grave que ce que certaines personnes en pensent. N’étant pas du tout certain de la portée du sujet, je ne vais pas m’étendre plus et vous obliger à lire mes élucubrations.