De nombreuses personnes se méfient de Ubuntu, le comparent à Microsoft, critiquent son omniprésence dans l’univers des
distributions GNU/Linux, bref, ne l’aiment pas. Où est la vérité, quels
sont les vrais défauts de ce système ? Laissez-moi donc vous éclairer de
toute ma sagesse :-)
s/Linux/Ubuntu/
Certaines critiques me semblent fondées. Il n’est pas agréable pour les
utilisateurs de distributions exotiques de voir un article intitulé “100
Greatest Ubuntu Wallpapers” lorsque seuls 10 images contiennent le logo
Ubuntu et 90 sont de magnifiques fonds d’écran n’ayant rien à voir avec
la distribution. C’est désagréable et même moi, amateur d’Ubuntu, je
n’apprécie pas ce comportement.
GNU/Linux vs Linux
Je n’aime pas non plus l’amalgame qui est fait entre GNU/Linux, Linux et
Ubuntu. Cet amalgame est partiellement créé par Shuttleworth lui-même,
qui avait choisi le slogan “Ubuntu, Linux for human being” dès la
première version de la distribution. Pour moi, et pour beaucoup de
monde, le plus important dans une distribution GNU/Linux, c’est le GNU,
pas le Linux. GNU, c’est l’esprit, Linux c’est la technologie. Omettre
le premier dans le slogan fondateur d’un produit, c’est laisser penser
qu’un jour, sur la base de la technologie, l’esprit sera trahi.
Pragmatisme
Mais Ubuntu trahi-t-il l’esprit du Libre ? Canonical est-il le nouveau
Microsoft, Shuttleworth le nouveau Bill Gates ? Non, je ne le pense pas.
Ni l’un, ni l’autre n’a réellement promu de logiciel non Libre au dépend
du logiciel Libre, tout au plus ils ne sont pas aussi orthodoxes que
Richard Stallman et font des choix pragmatiques pour l’intérêt des
utilisateurs. Ils n’imposent pas aux utilisateurs la présence de pilotes
proprio, ils en facilitent l’installation parce que sans cela certains
Ubuntistes ne pourraient même pas avoir un écran à la bonne résolution,
ni jouer à Nexuiz sur leur toute nouvelle bête de course à 1500€ avec
une carte NVidia de fou.
Le Libre, ce n’est pas uniquement l’orthodoxie, c’est aussi le
pragmatisme et le choix de faire des concessions sans lesquelles on
resterait sur du 100% propriétaire (non, installer Firefox sur un
Windows 7, ce n’est pas un acte de soutien au logiciel Libre). Et que
dire des gens qui quittent Ubuntu en se fendant d’un billet critiquant
l’apologie du logiciel proprio soit-disant perpétrée par Ubuntu, tout ça
pour finalement aller sur une autre distribution où tout est pareil
(Fedora), ou sur une autre où les utilisateurs installent quand-même le
pilote proprio ATI, mais en perdant une demi-journée à suivre quatre
tutoriels pour le faire (merci Archlinux ou Frugalware, où on est “plus
proche du système” — en plus on peut aussi être proche du système sur
une Ubuntu, on a le choix, contrairement à quasiment toutes les autres
distributions qui n’offrent tout simplement pas les mêmes facilités).
Canonical supporte trop Ubuntu
Wow, quel surprise, Canonical développe des logiciels libres dans le but
d’améliorer Ubuntu, ce qui laisse sur le côté de la route les autres
distributions le temps qu’elles intègrent elles-mêmes les nouveaux
produits, sans l’aide de Canonical… Je ne savais pas que RedHat avait
une équipe dédiée à l’intégration de leurs nouveautés dans Ubuntu. Non,
ce n’est pas comme ça que ça se passe, RedHat développe des machins pour
RHEL et Fedora, puis Canonical se les approprie. Inversement, les autres
distrib s’approprient ce que Canonical développe si ça les intéresse.
Canonical libère tous le code des applications qui sont installées sur
Ubuntu, et je ne vois pas trop ce qu’on pourrait critiquer à ce propos.
Ce que font les petits développeurs avec leurs applications libres
indirectement liées à Ubuntu, ça ne regarde pas Canonical. Que je sache,
on ne traite pas Microsoft de gros connards parce qu’un mec a décidé de
créer un programme libre qui ne fonctionne que sur Windows. Si un
programme a un bug qui fait qu’il fonctionne parfaitement sous Ubuntu,
mais pas sous Frugalware, et que le développeur utilise exclusivement
Ubuntu pour développer, ce n’est pas la faute d’Ubuntu ni celle de
Canonical, mais celle du développeur ou de l’utilisateur qui ne sait pas
patcher un logiciel avant de le packager.
Le problème des services Web
C’est ici qu’on touche selon moi le point le plus délicat. C’est ici que
Canonical respecte la technique du Libre, mais pas son esprit (même RMS
avait un discours ambigüe à ce sujet il y a quelques temps). Ubuntu One,
le machin de partage et de synchronisation de fichiers, est certes basé
sur un programme libre sur le client, mais la partie serveur est
propriétaire. On ne peut donc pas installer son propre serveur “Personal
One” pour s’affranchir du transfert de ses données sur les serveurs de
Canonical. Un fichier que l’on donne à Canonical de cette manière est
tout aussi peu contrôlé que si on l’ouvrait avec un logiciel aux sources
fermées. On est toujours maître de son propre ordinateur, mais plus de
ses fichiers. Je trouve cela bien embêtant et c’est ici que je prends le
plus de distance avec les actions de Canonical.
J’espère qu’un jour Canonical et Ubuntu décideront de favoriser
l’utilisation de leurs technologies Libres mais sur notre propre Cloud
indépendant, sur notre propre nom de domaine, sur nos machines
connectées au net, sur des technologies décentralisée, etc.
Conclusion
Je pense qu’Ubuntu est victime d’un mauvais procès, souvent dû plus au
comportement de ses utilisateurs qu’à celui des décideurs de Canonical.
Même s’il reste des points à améliorer, je reste persuadé que Ubuntu est
la distribution GNU/Linux la mieux placée pour rendre l’OS alternatif
plus populaire, tant auprès des geeks, que des non-geeks ou des
entreprises. La gendarmerie ou le ministère de l’agriculture n’en a rien
à faire que le pilote ATI soit non Libre, tout ce qui compte c’est que
ça fonctionne parfaitement, sinon autant rester sous Windows. De toutes
façon, ils installent Adobe Reader sous Ubuntu…
Je fais des sacrifices pour rester orthodoxe, mais je comprend que
d’autres soient pragmatiques. Ubuntu permet toujours ce choix.