Mercredi soir, les sénateurs ont adopté l’article 4 du projet de loi
Loppsi, en donnant à l’autorité administrative le pouvoir de
transmettre aux FAI une liste de sites à bloquer, sans contrôle judiciaire.
Lors de l’examen du projet de loi Loppsi, les sénateurs ont voté
mercredi soir l’article 4 sur le filtrage tel qu’il avait été modifié
par la commission des lois. En séance plénière, les sénateurs n’ont
pas rétabli l’obligation de recourir au juge avant toute mesure de
filtrage, comme l’avaient prévu les députés.
Le texte voté dit ainsi que “lorsque les nécessités de la lutte contre
la diffusion des images ou des représentations de mineurs présentant
un caractère manifestement pornographique le justifient, l’autorité
administrative notifie aux [fournisseurs d’accès à Internet] les
adresses électroniques des services de communication au public en
ligne contrevenant aux dispositions de cet article, auxquelles ces
personnes doivent empêcher l’accès sans délai”.
Il est donc imposé aux FAI une obligation de résultat, sans contrôle
judiciaire, puisque l’administration transmettra directement la liste
des sites à bloquer aux opérateurs.
On notera cependant que le projet de loi ne prévoit aucune sanction à
l’encontre des fournisseurs d’accès qui ne se plieraient pas à la
demande, ou qui ne parviendraient pas à bloquer efficacement l’accès
aux sites visés.
Les sénateurs ont par ailleurs durci le texte, en adoptant
l’amendement de M. Détraigne qui dispose que “lorsque le caractère
pornographique n’est pas manifeste, l’autorité administrative peut
saisir l’autorité judiciaire qui statue sur l’interdiction de l’accès
aux adresses électroniques mentionnées au présent alinéa”. Présenté
comme un compromis, l’ajout fait pire que mieux. Il ouvre en effet la
possibilité d’obtenir le filtrage lorsque la pédopornographie
n’apparaît pas manifeste, et ne donne qu’à la seule autorité
administrative la possibilité de saisir le juge en cas de doute. Les
fournisseurs d’accès qui ne seraient pas d’accord avec le caractère
“manifeste” d’un contenu pédopornographique n’ont, eux, pas la
possibilité de saisir une juridiction.
Tel qu’il a été voté, et s’il n’est pas corrigé en commission mixte
paritaire, l’article 4 pourrait cependant risquer la censure du
Conseil constitutionnel, s’il suit sa jurisprudence établie lors de la
loi Hadopi 1. Dans son avis du 10 juin 2009, le Conseil
constitutionnel avait en effet accepté que les ayants droits puissent
demander des mesures de filtrage aux FAI, mais uniquement auprès des
tribunaux garants de l’équilibre des droits fondamentaux. Il avait
ajouté que “les atteintes portées à l’exercice de cette liberté
(d’expression et de communication) doivent être nécessaires, adaptées
et proportionnées à l’objectif poursuivi”.
Article diffusé sous licence Creative Common by-nc-nd 2.0, écrit par
Guillaume Champeau pour Numerama.com