Convergence

On entend souvent parler de convergence numérique, principalement sous forme matérielle, parfois sous forme d’usages, et plus rarement sous forme de protocole. La convergence matérielle, avec le téléphone qui va sur internet et qui permet de regarder la télé, ça commence à arriver assez sérieusement. Le seul problème dans ce domaine, c’est la vitesse à laquelle progresse la technologie, et le prix du matériel. Par contre, pour ce qui est de la convergence des usages et des protocoles, on est encore loin du compte, et malgré les dernières évolutions du web, on pourrait faire beaucoup mieux. Les limitations ne sont plus physiques, elles sont dues à l’inertie face au changement, et à l’absence de volonté de changer, voire l’absence de connaissance de systèmes alternatifs.

On voit les choses avancer, bien évidemment. Ce qui m’intéresse dans les évolutions de ces dernières années, c’est le développement des réseaux sociaux. On voit qu’il y a une grosse demande à ce niveau. Tout le monde a un compte MSN (ou Yahoo! ou icq, selon les pays), tout le monde a un compte Facebook ou MySpace, et pas mal de monde a des comptes sur d’autres services sociaux, tels que Google Reader, Picasa, del.icio.us. Ensuite, de nombreuses personnes ont un blog, ou un compte de micro-blogging. Le gros, gros, gros problème, c’est que tous ces services sont séparés et incompatibles.

Bon, alors, comment ça se passe dans les faits ? J’ai un blog, j’écris un billet. Comment mes amis, ou les gens qui veulent suivre mes écrits font-ils pour être au courant des nouveautés (le problème est le même pour un site web qui publie des articles) ? Il y a plusieurs solutions, la première étant de venir sur le blog régulièrement — ce n’est évidemment pas envisageable si on suit beaucoup de sources d’information. La deuxième solution, c’est de s’abonner à une newsletter. C’est quelque chose qui se faisait énormément il y a quelques temps, mais ce n’est vraiment pas une bonne solution. D’ailleurs, ça disparait peu à peu, c’est remplacé par la meilleure solution à l’heure actuelle : le flux RSS.

Super invention que le flux RSS. Je ne parle pas du ATOM, vu que le concept est exactement le même, et c’est moins connu. On choppe un lien vers un fichier mis à jour à chaque nouveautés, qui contient l’article, ou un résumé de l’article. On automatise ça, avec un client qui va le récupérer de manière régulière, et hop, on reçoit les nouveautés. Le seul problème, c’est que c’est mal foutu. Si on veut recevoir les mises à jour rapidement, il faut demander à mettre ses flux à jour très régulièrement, par exemple toutes les minutes, mais si tout le monde fait ça, ça va pourrir les serveurs. En plus, si on décide d’utiliser un client en ligne, comme Google Reader, on ne peut pas choisir l’intervalle de mise à jour.

Les flux RSS, d’ailleurs, ça fait pas grand chose de plus. Il faut déjà prendre en compte les flux qui n’offrent qu’un résumé, voir moins, de l’article. Vous devez alors aller sur le site web pour avoir accès à la totalité du contenu. C’est quand même pas bien pratique comme système, si il faut aller sur le site. Dans le même genre, on peut souvent écrire des commentaires sur les billets et les articles, mais là encore, aucun moyen de le faire depuis son client RSS, il faut aller directement sur le site car le RSS a encore atteint une de ses limites.

Un autre problème, c’est que si on veut partager un lien qu’on a reçu, parce qu’on le trouve intéressant et qu’il intéressera nos amis, on ne peut pas le faire avec un unique client RSS. Il faut publier ce lien sur un truc comme del.icio.us, donc avoir un service de plus, ou bien utiliser un agrégateur un peu plus avancé, tel que Google Reader. On commence alors à partager des liens, puis on ajoute des commentaires avec ces liens, et on se retrouve très vite à vouloir partager des liens qui ne sont pas arrivés par RSS, et voire à faire des commentaires qui n’ont aucun rapport avec un lien. Là, on entre dans le domaine du blog, plus particulièrement du micro-blogging. Google Reader propose ainsi un début de convergence entre le flux RSS, le microblogging, et le partage de liens.

Si on veut aller plus loin dans le réseau social, il faut aller du côté de sites comme Facebook. On peut à peu près tout y faire, de la communication sous forme de messages instantanés, de mails, de forums, de commentaires, mais aussi et surtout des trucs funs, des jeux, des applications addictives. Par contre, c’est une plateforme fermée, contrôlée par une entreprise, on ne peut pas décider de son évolution, on ne peut pas développer n’importe quel type d’application, on est limité par le côté « application web ». Donc au final, on ne peut pas développer un réseau social avec des vraies applications, avec des vrais jeux vraiment puissants (on ne peut pas facilement lancer une partie de Counter Stike avec ses potes facebook, par exemple). Mais bon, ce qui me rebute le plus, c’est le côté fermé et centralisé… Le jour où vous voulez quitter Facebook pour aller chez son concurrent (ou que vous voulez tout simplement utiliser le concurrent en plus de Facebook), vous allez galérer pour emmener avec vous la liste exacte et complète de vos amis. Au final, on a 150 contacts sur MSN, 200 amis sur Facebook, autant sur les services Google, mais toutes ces listes de contact sont séparées, non synchronisées, vous devez les recréer à chaque fois que vous ouvrez un compte sur un nouveau site, bref, c’est galère.

Ajoutons à cela, dans un autre domaine, le fait que l’outil de communication le plus utilisé dans le monde à l’heure actuelle est l’e-mail. Ai-je vraiment besoin de vous dire à quel point cet outil est dépassé ? À quel point il est vérolé de l’intérieur par le spam ? À quel point il n’est pas sécurisé, et donc utilisé pour du phishing et de l’usurpation d’identité ? Bien évidemment, comme c’est un protocole qui est utilisé depuis longtemps, personne ne souhaite l’abandonner, mais un jour ou l’autre il faudra vraiment s’en préoccuper. Les jeunes n’utilisent plus les mails, ni les mailing lists. Ça a été largement dépassé par la messagerie instantanée (depuis quelques années déjà), et maintenant par les réseaux sociaux. Certaines personnes n’ont plus d’adresse mail que parce que c’est nécessaire pour ouvrir un compte sur d’autres sites, mais ils ne s’en servent quasiment jamais en dehors de cela.

Le constat que je fais avec tous ces éléments, c’est qu’il y a plein de trucs super intéressants à faire avec le web, avec les nouveaux modes d’échange qu’il permet, mais pour chaque usage différent il y a un service différent. De plus, chaque service empiète partiellement sur les plates-bandes des autres, mais de manière incomplète et non satisfaisante. Il faut donc trouver une alternative à tout cela. Comme je l’ai dit, le mieux à l’heure actuelle en terme de fonctionnalités, ce sont les sites tels que Facebook ou Myspace, mais étant donné qu’ils sont centralisés, fermés, et à but lucratif, il est n’est pas envisageable de les adopter massivement sans se poser de question (ce que 90% des gens font tout de même…). Ce qu’il faut, c’est une architecture de réseau social qui soit décentralisée et ouverte, qui propose de remplacer efficacement la quasi-totalité des services énumérés dans ce billet. On arriverait alors à obtenir une belle convergence des usages et des outils, et ça serait classe.

C’est exactement pour ce genre de choses que je fais de la pub pour Jabber, que je soutiens les gens qui s’investissent dans son développement, et que j’ai confiance en son avenir. J’imagine que certaines personnes ne seront pas d’accord avec moi, mais je considère que c’est un protocole à tout faire. Je vais donc essayer d’expliquer point par point tout ce qu’on peut en faire, et en quoi il peut remplacer les autres services.

Je vais commencer par le plus facile, les mails : on jarte. Jabber fait tout ce que fait un mail, en plus sécurisé, en plus authentifié, en plus instantané. Donc on a de quoi remplacer efficacement les mails, tout en supprimant le spam. La seule limitation, c’est que pour l’instant les clients Jabber ne sont pas prévus pour gérer les messages à la manière d’un client mail, et les serveurs n’implémentent pas encore le stockage des messages en ligne (mais c’est prévu par le protocole, il faut juste qu’ils l’activent ou l’implémentent). Ce n’est qu’une question d’un peu de développement pour que le mail soit réellement obsolète. D’ailleurs, il semblerait que Mozilla et Thunderbird songent à ajouter des fonctions de messagerie instantanée à leurs logiciels, donc on n’est vraiment pas loin de la solution.

Pour tout ce qui est blogging, micro-blogging, et RSS, Jabber peut très bien faire l’affaire. Il y a depuis quelques temps dans le protocole un système de pubsub pour créer du contenu, le mettre en ligne à disposition des autres utilisateurs, et prévenir les gens abonnés à son blog qu’un nouvel article est disponible. Ça remplace très efficacement le RSS, ça offre un système parfait pour le micro-blogging, et pour ce qui est du blog à proprement parler, ça fournit tout ce qu’il faut pour la gestion du contenu, et des commentaires. La seule inconnue à mes yeux est la gestion de « l’à côté » du blog, c’est à dire les widgets et autres, mais il est possible qu’une partie de ce qu’on souhaite ajouter à un blog existe déjà sous une autre forme dans un client hybride de messagerie instantanée et de réseau social. Pour ce qui est du remplacement du RSS sur les vrais sites web, il suffit à mon sens qu’ils implémentent un système envoyant l’article directement à chaque personne qui s’est abonné à leur flux, un peu à la manière d’une newsletter contenant uniquement l’article en question (un peu comme le contenu des éléments d’un flux rss à l’heure actuelle). Pour l’utilisateur, l’avantage serait qu’il n’aurait plus à se soucier du temps de rafraîchissement de ses flux, puisqu’ils seraient envoyés immédiatement par le site web, et pour ce dernier, ça signifiera une diminution drastique du nombre de requêtes, et de la bande passante utilisée.

En ce qui concerne le partage de liens, et le remplacement de sites comme del.icio.us, le problème est différent. Pour le partage simple, un petit plugin Firefox qui ajoute un bouton « Partager le lien via le client Jabber » suffit. Le client web fait appel au client Jabber, et envoie un message de microblogging, avec ou sans possibilité d’ajouter un petit commentaire, et le tour est joué. Le seul problème, c’est que ça ne remplace pas le côté mise en commun de tous les liens bookmarkés et création de statistiques intéressantes que proposent les sites spécialisés. Comme de toute façon, c’est quelque chose que ne permet pas non plus Google Reader, et que je n’utilise pas del.icio.us, ça ne me dérange pas de m’en passer. On peut de plus très bien imaginer des services qui indexeraient les flux de microblog disponibles sur le net, pour en sortir les liens, et pour faire des stats. Donc pour moi, Jabber peut très bien être utilisé à ce niveau, ça n’enlèverait pas de fonctionnalité.

On arrive maintenant au point le plus sensible à mon avis, qui est le remplacement des véritables réseaux sociaux. C’est là que Jabber peut avoir du mal à vraiment sortir son épingle du jeu. Pour tout ce qui est communication, échange de messages, de commentaires, de « graphitis sur son mur » (je sais plus comment ça s’appelle en français, le “Wall” de Facebook), Jabber a tout ce qu’il faut, et en mieux. Je pense que le problème vient des applications funs et des jeux, car c’est un peu plus complexe que du simple échange de texte. Jabber offre la possibilité de créer une interface facilement accessible pour lancer des sessions d’applications ou de jeux, sans avoir à passer par des mécanismes internes aux applications et nécessitant de connaître l’adresse ip de son correspondant, ou même d’ouvrir des ports dans son pare-feu. C’est ce qu’est en train d’apporter le client Empathy au bureau Gnome, même si ce n’est pas encore assez mûr pour pouvoir être réellement utilisable. Empathy propose d’utiliser une API pour créer un « tube » entre l’application locale et celle du correspondant, en mettant en place une communication Jabber (soit du Jabber pur, si ça demande peu de bande passante, soit carrément une session Jingle si ça nécessite l’envoi de beaucoup de données). Quand ça sera en place, ça sera super classe comme système.

Par contre, je ne suis pas sûr de comment un système tel que je le décris pourrait gérer les applications qu’on trouve sur facebook, un peu comme toutes les applications open-socials. Quelque part, je ne vois pas pour quelles raisons un client Jabber ne pourrait pas implémenter une architecture compatible Open-Socials, et donc permettre d’installer tout plein d’applis, et de s’en servir avec ses contacts. Le plus gros problème à mon avis, c’est qu’on se prive du côté « centralisé » de ces réseaux, qui permettent d’offrir des services qu’une architecture décentralisée ne pourra pas fournir (où et comment seraient stockés les scores, les statistiques, d’une manière globale pour tous les utilisateurs ?).

enfin bon, si vous avez réussi à lire ce billet jusqu’à la fin, laissez-moi un petit commentaire, soit pour réagir/critiquer/compléter mes propos, soit pour me montrer que je ne l’ai pas écrit pour rien :-)

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