Il y a eu ces derniers temps plusieurs événements qui m’ont marqués dans le monde du libre grand public, concernant la perception et la reconnaissance des technologies libres par les particuliers, les pouvoirs publics, et les grands médias. Depuis bientôt deux ans je milite (à mon modeste niveau) pour l’utilisation des logiciels libres, non pas parce qu’ils sont meilleurs (je les préfère, mais je comprend qu’une entreprise peut avoir des besoins que le libre ne peut pas satisfaire pour le moment), mais parce qu’ils sont sous médiatisés proportionnellement à ce qu’ils pourraient apporter à tout un chacun, et que si personne n’utilise par exemple Linux c’est surtout parce que le grand public n’en entend jamais parler. Heureusement la « lame de fond » que constitue le libre commence à faire changer les choses, et en voici quelques exemples.
On a tout d’abord l’adoption massive de Firefox, avec 25 % de parts de marché en France, 28 % au niveau mondial, et près de 45 % dans certains pays. Certes, 28 % ça veut dire que Internet Explorer a autour de 70 % de parts de marché, mais comme la tendance est à la prise de part de marché par Firefox (il y a tout de même une très petite perte dans certains pays) tout s’annonce pour le mieux. De plus, les pays d’Europe de l’est sont ceux qui présentent les pourcentages les plus élevés. Si je ne me trompe pas, cela veut dire que les pays qui ont accédé à l’ère du numérique plus tard que leur confrères de l’Europe de l’ouest n’ont pas cette culture « Microsoft Windows Internet Explorer est la seule solution existante », il sont plus ouverts aux solutions alternatives que nous. Avec l’Afrique et l’Asie qui s’équipent progressivement je parie que les parts de marché du navigateur libre va augmenter dans les années à venir.
On a ensuite l’arrivée des ultra-portables à bas prix tels que l’OLPC, le Eee d’Asus ou le Classmate d’Intel qui sont très populaires et dont on entend beaucoup parler dans les médias grand publics ou spécialisés en technologie (dans le style Clubic, je ne mentionne même pas les médias spécialisés en logiciel libre). Leur couverture médiatique importante permet de faire énormément de publicité pour Linux et les logiciels libres en général (par contre ça a tendance à un peu trop associer Linux avec du matériel peu cher et bas de gamme, une plus grande médiatisation de ce que propose Dell - un ultra-portable autour de 1000 € et plus - ne ferait pas de mal).
Vient maintenant quelque chose qui m’a énormément étonné et fait plaisir, et qui est arrivé dans mes podcasts Miro : l’émission « Plein écran » du 3 février sur LCI. Elle a pour titre « Les allées de Solutions Linux » et traite de plusieurs aspects de Linux pendant près d’un quart d’heure. Elle m’a fait très plaisir parce qu’elle représente parfaitement bien le changement qui s’opère actuellement dans les grands médias avec le passage du logiciel libre d’un statut de « truc alternatif réservé aux geeks mal rasés » à « nouvelles technologies innovantes et d’avenir parce qu’on peut baser dessus des business model performants ». Au rythme où ça va je suis persuadé qu’on aura bientôt droit à une émission en prime time traitant de l’économie du logiciel (pourquoi pas un Capital, avec tout un reportage sur le logiciel libre ou sur le combat Windows - MacOS - Linux ?).
Et maintenant le meilleur pour la fin selon moi : le rapport Attali et les récentes annonce du ministère de la défense. Le rapport Attali traite de l’augmentation du pouvoir d’achat et de la relance de la croissance économique. Il préconise l’adoption d’un certain nombre de mesures économiques et sociales, dont par exemple certaines sur l’immigration, mais surtout pour ce qui nous intéresse ici plusieurs sur les logiciels libres. Le constat est simple : le marché du logiciel propriétaire est dominé par des entreprises étrangères (américaines principalement) alors que la France fait partie des leaders mondiaux au niveau du logiciel libre (je n’ai pas de chiffres exacts mais je crois que je ne me trompe pas en affirmant cela), donc en favorisant les logiciels libres on stimule l’économie française et non celle du pays de l’Oncle Sam. Le gouvernement cherche de plus à relancer une vraie concurrence dans le monde des logiciels, ce qui sera bénéfique pour tout le monde. Il prend enfin conscience du rôle qu’il a à jouer dans la bataille contre les monopoles qui existent dans ce domaine (le monopole de Microsoft principalement, mais il y en a d’autres déjà présents ou en formation).
En ce qui concerne le ministère de la défense, on vient d’avoir droit à une annonce officielle que j’attendais depuis très longtemps et qui affirme entre autre en substance qu’il est inacceptable que des secteurs clés de nôtre pays (la défense et la sécurité du territoire) soient dépendants du bon vouloir d’une entreprise étrangère. Ainsi, en plus de faire des économies, le ministère prône l’utilisation du libre pour des raisons politiques et idéologique, et c’est la première fois que je vois ça à un tel niveau. On a maintenant, en plus des 350.000 postes du ministère de l’agriculture (et de l’éducation ?) qui se sont mis à l’utilisation de logiciels libres (OpenOffice.org. Thunderbird et Firefox principalement), le ministère de la défense devient un des plus gros utilisateurs de libre en France. Les 70.000 postes clients de la gendarmerie nationale, qui étaient déjà équipés du navigateur et de la suite bureautique libre vont progressivement passer sous Ubuntu d’ici 2013. Une économie de 20 % sera faite par la même occasion (et oui, si le logiciel en lui même est gratuit, le support coûte plus cher, mais il permet de faire vivre l’économie nationale). Une autre initiative du ministère de la défense est le projet Milimail qui ajoute des fonctionnalités à Thunderbird pour répondre à des besoins internes du ministère, puis propose ces améliorations sous forme d’extensions pour le logiciel de Mozilla, et aide à leur intégration dans la future version 3. Cette initiative va avoir énormément de retombées positives pour Thunderbird, et on ne peut que l’applaudir.
Allez, vive la France, et Banzaï !